Détente

T33 - Quelles réponses apporte le droit face aux risques auxquels s’expose l’entreprise ?


 







1. La responsabilité civile et pénale de l'entreprise






L’entreprise est confrontée à de nombreux risques (environnementaux, technologiques, numériques, politiques...). Face à ces risques et dans une logique de réparation ou de sanction, l’entreprise peut voir sa responsabilité civile et/ou pénale engagée.

 

A. La responsabilité pénale de l'entreprise

Une personne engage sa responsabilité pénale lorsqu’elle commet une infraction pénale, c’est-à-dire un acte défini comme répréhensible par la loi. La responsabilité pénale a un double but : la protection de la société et la répression des fautes. L’objectif de ce régime de responsabilité est de punir celui qui ne respecte pas les règles de vie en société en sanctionnant l’auteur de l’infraction par une peine et à réparer ainsi le trouble causé à l’ordre public.

La responsabilité pénale de l’entreprise peut être engagée pour de nombreuses infractions en relation avec le droit des affaires, le droit du travail, le droit commercial, comme par exemple la fraude fiscale, la discrimination à l’embauche, la négligence des règles de sécurité, la tromperie sur la qualité du produit vendu…

En cas de manquement à une obligation légale par l'entreprise, celle-ci peut se voir infliger différentes sanctions telles que des saisies, destructions ou fermetures administratives. En cas de sanction pécuniaire, cette dernière sera multipliée par cinq par rapport à celle prévue pour une personne physique. Le juge pénal dispose cependant d'une marge de manœuvre quant au montant final de l'amende.

 

B. La responsabilité civile de l'entreprise

La responsabilité civile n’a pas pour fonction de punir, mais d'obliger l’auteur d’une faute à réparer le préjudice subi par la personne victime de cette faute. Chacun doit réparer les dommages qu'il a causés à autrui, soit en nature (remise en état), soit, lorsque cela est impossible, par équivalent (dommages-intérêts).

Le principe posé par le droit est simple : il faut réparer le préjudice subi, seulement le préjudice, et tout le préjudice subi, indépendamment, par exemple, de l'état de fortune des parties.

Lorsque le fait générateur du dommage a pour origine l’inexécution d’un contrat (ou sa mauvaise exécution), la réparation de ce dommage devra s’effectuer selon les modalités de la responsabilité civile contractuelle. En l’absence de tout contrat, c’est la responsabilité civile extracontractuelle qui devra être engagée pour obtenir réparation du préjudice subi.

 

C. Le cumul des responsabilités civile et pénale

Bien que les responsabilités civile et pénale aient des fonctions différentes, il arrive qu’une personne soit victime d’un agissement qui lui a porté préjudice et que cet acte constitue en même temps une infraction pénale.

Dans ce cas, la victime peut engager à la fois une action en responsabilité civile pour faire réparer le préjudice et une action en responsabilité pénale si elle souhaite obtenir la condamnation à une peine de l’auteur du préjudice.

Lorsqu'une faute pénale entraîne un préjudice pour une personne physique ou morale, la réparation peut être demandée par la victime devant les tribunaux civils ou directement devant les tribunaux répressifs.

2. La responsabilité civile contractuelle

A. Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile contractuelle

La responsabilité contractuelle trouve sa source dans la faute contractuelle, c'est-à-dire dans l’inexécution ou dans la mauvaise exécution des obligations nées d'un contrat.

Différentes sanctions possibles en cas d'inexécution ou de mauvaise exécution des obligations :

- la résolution du contrat : la victime demande l’anéantissement rétroactif du contrat ;

- la réduction du prix : la victime demande une réduction du prix ;

- le versement de dommages-intérêts :  la victime demande une somme d’argent pour réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de l’inexécution du contrat ;

- l'exécution forcée en nature : la victime contraint le débiteur à exécuter l’obligation qu’il n’a pas ou qu’il a mal exécutée.

 

Pour engager la responsabilité contractuelle, le demandeur doit démontrer l'existence d'un dommage, le caractère fautif de l’inexécution d’une obligation contractuelle et le lien de causalité entre la faute et le dommage.

·  L’inexécution d’une obligation : cette obligation peut être une obligation de moyen (obligation en vertu de laquelle le débiteur n’est pas tenu d’un résultat précis, par exemple l’obligation de guérir un patient) ou une obligation de résultat (obligation en vertu de laquelle le débiteur est tenu d’un résultat précis, par exemple l’obligation de livrer un produit commandé et payé).

·  Un dommage : ce dommage peut être patrimonial (préjudice matériel) ou extrapatrimonial (préjudice corporel ou moral), direct ou par ricochet (la victime par ricochet est la personne qui subit un préjudice, moral ou matériel, en conséquence des dommages causés à la victime directe).

·  Un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage, c’est-à-dire que le fait générateur (faute ou inexécution du contrat) doit être la cause du dommage.

 

B. Les exonérations de responsabilité

·         Les clauses d’exonération et de limitation de la responsabilité

La clause d’exonération (ou d’exclusion de responsabilité) est une clause par laquelle une personne s’exonère d’avance de la responsabilité qu’elle risque d’encourir à la suite d’un dommage. Ces clauses peuvent limiter ou exonérer totalement le professionnel de sa responsabilité. Toutefois, cette clause d’exclusion ou de limitation de responsabilité peut créer un déséquilibre entre les deux parties dans certains contrats (par exemple dans les contrats d’adhésion) ou entre certaines parties (par exemple entre les professionnels et les profanes). Pour protéger ces situations particulières, cette clause ne sera donc pas valable dans les cas suivants :

- dans les contrats de consommation (contrat conclu entre un consommateur et un professionnel) ;

- en cas de faute lourde du cocontractant qui revendique l’application de la clause ;

- lorsque cette clause va créer un déséquilibre significatif entre les parties.

·         La cause étrangère : le cas de force majeure

Dans le cas d’une mise en jeu d’une responsabilité contractuelle, le débiteur défaillant peut s’exonérer de toute responsabilité en cas de cause étrangère. La force majeure constitue la principale cause d’exonération. C'est un événement exonérant totalement l'auteur apparent du dommage. Pour cela, la force majeure doit présenter deux caractéristiques : elle doit être irrésistible (c'est-à-dire insurmontable) et imprévisible (dans les circonstances normales de la vie).

Par exemple, une tempête exceptionnellement violente et faisant éclater les vitres d'un immeuble qui blessent un passant constitue un cas de force majeure. Cette tempête n’était pas prévisible et pas surmontable. Le gardien de la vitre ayant causé le dommage pourra s’exonérer de sa responsabilité en avançant un cas de force majeur. En revanche, une grève des transporteurs annoncée par les médias n’est pas imprévisible.

 

·         La cause étrangère : la faute de la victime ou d’un tiers

La force majeure n’est pas la seule façon de s’exonérer de sa responsabilité, il existe deux autres causes d’exonération : le fait d’un tiers ou le fait de la victime.

- Le fait d’un tiers : le dommage causé totalement ou principalement par l'intervention d'un tiers exonère le défendeur. Le fait d’un tiers doit présenter les caractères de la force majeure, la condition est donc que le fait du tiers ait été imprévisible et insurmontable.

- La faute de la victime : c’est la victime elle-même qui a causé partiellement ou totalement son dommage.

Pour être une cause d'exonération totale du défendeur, le comportement de la victime doit, lui aussi, présenter les caractères d'insurmontabilité et d'imprévisibilité de la force majeure.

Si la faute de la victime, qui est à l'origine du dommage, n'a pas les caractères de la force majeure, la jurisprudence considère qu'elle peut entraîner un partage de responsabilité, c'est-à-dire une exonération partielle de responsabilité pour l'auteur des faits.

3. La responsabilité civile extracontractuelle

A. Les conditions de mise en œuvre de la responsabilité extracontractuelle

C'est l'article 1240 du Code civil qui pose les grands principes de la responsabilité civile extracontractuelle : un fait qui cause à autrui un dommage.

Différents régimes peuvent avoir vocation à s'appliquer selon le fait générateur en cause.

·  La responsabilité du fait personnel : cette responsabilité est fondée traditionnellement sur la notion de faute. Le droit admet qu'un individu puisse commettre des fautes et engager directement sa responsabilité.

·  La responsabilité pour imprudence ou négligence : il s'agit de toutes les hypothèses d'accidents et, plus généralement, de tous les cas d'imprudence ou de négligence d'une personne entraînant un dommage. Pour apprécier la réalité de l'imprudence ou de la négligence, le juge se réfère au comportement qu'aurait eu un homme raisonnable dans les circonstances du litige.

·  La responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre : le Code civil prévoit plusieurs cas de responsabilité encourue par une personne du fait des agissements d'une autre personne. Cela concerne les entreprises (qu’on appelle alors les commettants) qui sont responsables des actes commis par leurs préposés (les salariés) dans le cadre de leur contrat de travail.

·  La responsabilité du fait des choses : cette responsabilité pèse sur la personne qui a la garde d'une chose à l'origine d'un dommage. Il faut remarquer qu'une telle action suppose l'absence de lien contractuel entre la victime et l'entreprise (règle du non-cumul). Dans le cas contraire, seule la responsabilité civile contractuelle pourra être engagée.

Tout comme pour la responsabilité contractuelle, l'entreprise dont la responsabilité civile extracontractuelle est engagée peut s'exonérer totalement en cas de cause étrangère. Dans ce cas, l’entreprise responsable doit démontrer l'existence d'un cas de force majeure, d'un fait d'un tiers ou d'une faute de la victime.

Lorsque cet événement est à l'origine du dommage et qu’il présente les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité, le responsable pourra s’exonérer de sa responsabilité. Si la faute de la victime ne présente pas les caractères d'un événement de force majeure, elle aura toutefois pour effet de réduire son droit à réparation.

 

B. Quelques régimes spéciaux de responsabilité civile extracontractuelle

·         Le produit défectueux

Selon l'article 1245 du Code civil, le producteur peut être reconnu responsable du dommage causé par un produit défectueux. En droit, le produit défectueux désigne le produit qui n’assure pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.

Cet article instaure un régime de responsabilité civile spécifique. En effet, la victime pourra obtenir réparation auprès du producteur, qu'elle soit ou non liée à lui par un contrat. En outre, la responsabilité peut être étendue aux fournisseurs ou aux distributeurs du produit si le producteur ne peut être identifié.

Seuls les dommages résultant d’une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même sont susceptibles d’engager la responsabilité du producteur.

·         Le préjudice écologique

Le principe de responsabilité écologique permet à toute personne physique ou morale de demander une réparation pour des dommages causés aux ressources naturelles, indépendamment des préjudices individuels matériels ou moraux causés aux personnes.

La difficulté de ce régime est que la victime n’est pas une personne juridique mais l’environnement en tant que telle. Il est donc nécessaire de déterminer qui peut être à l’origine d’une telle action. En outre, l’article 1249 du Code civil précise que des dommages et intérêts seront versés lorsque la réparation en nature ne sera pas possible.


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