1. La responsabilité civile et pénale de l'entreprise
L’entreprise est confrontée à de nombreux risques
(environnementaux, technologiques, numériques, politiques...). Face à ces
risques et dans une logique de réparation ou de sanction, l’entreprise peut voir
sa responsabilité civile et/ou pénale engagée.
A. La
responsabilité pénale de l'entreprise
Une personne engage sa responsabilité pénale lorsqu’elle
commet une infraction pénale, c’est-à-dire un acte défini comme répréhensible
par la loi. La responsabilité pénale a un double but : la protection de la
société et la répression des fautes. L’objectif de ce régime de responsabilité
est de punir celui qui ne respecte pas les règles de vie en société en
sanctionnant l’auteur de l’infraction par une peine et à réparer ainsi le
trouble causé à l’ordre public.
La responsabilité pénale de l’entreprise peut être engagée
pour de nombreuses infractions en relation avec le droit des affaires, le droit
du travail, le droit commercial, comme par exemple la fraude fiscale, la
discrimination à l’embauche, la négligence des règles de sécurité, la tromperie
sur la qualité du produit vendu…
En cas de manquement à une obligation légale par
l'entreprise, celle-ci peut se voir infliger différentes sanctions telles que
des saisies, destructions ou fermetures administratives. En cas de sanction
pécuniaire, cette dernière sera multipliée par cinq par rapport à celle prévue
pour une personne physique. Le juge pénal dispose cependant d'une marge de
manœuvre quant au montant final de l'amende.
B. La
responsabilité civile de l'entreprise
La responsabilité civile n’a pas pour fonction de punir,
mais d'obliger l’auteur d’une faute à réparer le préjudice subi par la personne
victime de cette faute. Chacun doit réparer les dommages qu'il a causés à
autrui, soit en nature (remise en état), soit, lorsque cela est impossible, par
équivalent (dommages-intérêts).
Le principe posé par le droit est simple : il faut
réparer le préjudice subi, seulement le préjudice, et tout le préjudice subi,
indépendamment, par exemple, de l'état de fortune des parties.
Lorsque le fait générateur du dommage a pour origine
l’inexécution d’un contrat (ou sa mauvaise exécution), la réparation de ce
dommage devra s’effectuer selon les modalités de la responsabilité civile
contractuelle. En l’absence de tout contrat, c’est la responsabilité civile
extracontractuelle qui devra être engagée pour obtenir réparation du préjudice subi.
C. Le
cumul des responsabilités civile et pénale
Bien que les responsabilités civile et pénale aient des
fonctions différentes, il arrive qu’une personne soit victime d’un agissement
qui lui a porté préjudice et que cet acte constitue en même temps une
infraction pénale.
Dans ce cas, la victime peut engager à la fois une
action en responsabilité civile pour faire réparer le préjudice et une action
en responsabilité pénale si elle souhaite obtenir la condamnation à une peine
de l’auteur du préjudice.
Lorsqu'une faute pénale entraîne un préjudice pour une
personne physique ou morale, la réparation peut être demandée par la victime
devant les tribunaux civils ou directement devant les tribunaux répressifs.
2. La responsabilité civile contractuelle
A. Les
conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile contractuelle
La responsabilité contractuelle trouve sa source dans la
faute contractuelle, c'est-à-dire dans l’inexécution ou dans la mauvaise
exécution des obligations nées d'un contrat.
Différentes sanctions possibles en cas d'inexécution ou
de mauvaise exécution des obligations :
- la résolution du
contrat : la victime demande l’anéantissement rétroactif du contrat ;
- la réduction du prix : la
victime demande une réduction du prix ;
- le versement de
dommages-intérêts : la victime
demande une somme d’argent pour réparer le préjudice qu’elle a subi en raison
de l’inexécution du contrat ;
- l'exécution forcée en
nature : la victime contraint le débiteur à exécuter l’obligation qu’il
n’a pas ou qu’il a mal exécutée.
Pour engager la responsabilité contractuelle, le
demandeur doit démontrer l'existence d'un dommage, le caractère fautif de
l’inexécution d’une obligation contractuelle et le lien de causalité entre la
faute et le dommage.
· L’inexécution d’une obligation : cette
obligation peut être une obligation de moyen (obligation en vertu de laquelle
le débiteur n’est pas tenu d’un résultat précis, par exemple l’obligation de
guérir un patient) ou une obligation de résultat (obligation en vertu de
laquelle le débiteur est tenu d’un résultat précis, par exemple l’obligation de
livrer un produit commandé et payé).
· Un dommage : ce dommage peut être patrimonial (préjudice
matériel) ou extrapatrimonial (préjudice corporel ou moral), direct ou par
ricochet (la victime par ricochet est la personne qui subit un préjudice, moral
ou matériel, en conséquence des dommages causés à la victime directe).
· Un lien de
causalité entre le fait générateur et
le dommage, c’est-à-dire que le fait générateur (faute ou inexécution du
contrat) doit être la cause du dommage.
B. Les
exonérations de responsabilité
·
Les clauses
d’exonération et de limitation de la responsabilité
La clause d’exonération (ou d’exclusion de
responsabilité) est une clause par laquelle une personne s’exonère d’avance de
la responsabilité qu’elle risque d’encourir à la suite d’un dommage. Ces
clauses peuvent limiter ou exonérer totalement le professionnel de sa
responsabilité. Toutefois, cette clause d’exclusion ou de limitation de
responsabilité peut créer un déséquilibre entre les deux parties dans certains
contrats (par exemple dans les contrats d’adhésion) ou entre certaines parties
(par exemple entre les professionnels et les profanes). Pour protéger ces
situations particulières, cette clause ne sera donc pas valable dans les cas
suivants :
- dans les contrats de consommation (contrat conclu
entre un consommateur et un professionnel) ;
- en cas de faute lourde du cocontractant qui revendique
l’application de la clause ;
- lorsque cette clause va créer un déséquilibre
significatif entre les parties.
·
La cause
étrangère : le cas de force majeure
Dans le cas d’une mise en jeu d’une responsabilité
contractuelle, le débiteur défaillant peut s’exonérer de toute responsabilité
en cas de cause étrangère. La force majeure constitue la principale cause
d’exonération. C'est un événement exonérant totalement l'auteur apparent du
dommage. Pour cela, la force majeure doit présenter deux
caractéristiques : elle doit être irrésistible (c'est-à-dire
insurmontable) et imprévisible (dans les circonstances normales de la vie).
Par exemple, une tempête exceptionnellement violente et
faisant éclater les vitres d'un immeuble qui blessent un passant constitue un
cas de force majeure. Cette tempête n’était pas prévisible et pas surmontable.
Le gardien de la vitre ayant causé le dommage pourra s’exonérer de sa
responsabilité en avançant un cas de force majeur. En revanche, une grève des
transporteurs annoncée par les médias n’est pas imprévisible.
·
La cause
étrangère : la faute de la victime ou d’un tiers
La force majeure n’est pas la seule façon de s’exonérer
de sa responsabilité, il existe deux autres causes d’exonération : le fait
d’un tiers ou le fait de la victime.
- Le fait d’un tiers : le dommage causé
totalement ou principalement par l'intervention d'un tiers exonère le
défendeur. Le fait d’un tiers doit présenter les caractères de la force majeure,
la condition est donc que le fait du tiers ait été imprévisible et
insurmontable.
- La faute de la victime : c’est la victime
elle-même qui a causé partiellement ou totalement son dommage.
Pour être une cause d'exonération totale du défendeur,
le comportement de la victime doit, lui aussi, présenter les caractères
d'insurmontabilité et d'imprévisibilité de la force majeure.
Si la faute de la victime, qui est à l'origine du
dommage, n'a pas les caractères de la force majeure, la jurisprudence considère
qu'elle peut entraîner un partage de responsabilité, c'est-à-dire une
exonération partielle de responsabilité pour l'auteur des faits.
3. La responsabilité civile extracontractuelle
A. Les
conditions de mise en œuvre de la responsabilité extracontractuelle
C'est l'article 1240 du Code civil qui pose les grands
principes de la responsabilité civile extracontractuelle : un fait qui cause à
autrui un dommage.
Différents régimes peuvent avoir vocation à s'appliquer
selon le fait générateur en cause.
· La responsabilité du fait personnel : cette responsabilité est fondée traditionnellement sur
la notion de faute. Le droit admet qu'un individu puisse commettre des fautes
et engager directement sa responsabilité.
· La responsabilité pour imprudence ou négligence : il s'agit de toutes les hypothèses d'accidents et,
plus généralement, de tous les cas d'imprudence ou de négligence d'une personne
entraînant un dommage. Pour apprécier la réalité de l'imprudence ou de la
négligence, le juge se réfère au comportement qu'aurait eu un homme raisonnable
dans les circonstances du litige.
· La responsabilité du fait des personnes dont on doit
répondre : le Code civil prévoit
plusieurs cas de responsabilité encourue par une personne du fait des
agissements d'une autre personne. Cela concerne les entreprises (qu’on appelle
alors les commettants) qui sont responsables des actes commis par leurs
préposés (les salariés) dans le cadre de leur contrat de travail.
· La responsabilité du fait des choses : cette responsabilité pèse sur la personne qui a la
garde d'une chose à l'origine d'un dommage. Il faut remarquer qu'une telle
action suppose l'absence de lien contractuel entre la victime et l'entreprise
(règle du non-cumul). Dans le cas contraire, seule la responsabilité civile
contractuelle pourra être engagée.
Tout comme pour la
responsabilité contractuelle, l'entreprise dont la responsabilité civile
extracontractuelle est engagée peut s'exonérer totalement en cas de cause
étrangère. Dans ce cas, l’entreprise responsable doit démontrer l'existence
d'un cas de force majeure, d'un fait d'un tiers ou d'une faute de la victime.
Lorsque cet événement est à l'origine du dommage et qu’il
présente les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité, le responsable
pourra s’exonérer de sa responsabilité. Si la faute de la victime ne présente
pas les caractères d'un événement de force majeure, elle aura toutefois pour
effet de réduire son droit à réparation.
B. Quelques
régimes spéciaux de responsabilité civile extracontractuelle
·
Le produit
défectueux
Selon l'article 1245 du Code civil, le producteur peut
être reconnu responsable du dommage causé par un produit défectueux. En droit,
le produit défectueux désigne le produit qui n’assure pas la sécurité à
laquelle on peut légitimement s'attendre.
Cet article instaure un régime de responsabilité civile
spécifique. En effet, la victime pourra obtenir réparation auprès du
producteur, qu'elle soit ou non liée à lui par un contrat. En outre, la
responsabilité peut être étendue aux fournisseurs ou aux distributeurs du
produit si le producteur ne peut être identifié.
Seuls les dommages résultant d’une atteinte à la
personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même sont
susceptibles d’engager la responsabilité du producteur.
·
Le préjudice
écologique
Le principe de responsabilité écologique permet à toute
personne physique ou morale de demander une réparation pour des dommages causés
aux ressources naturelles, indépendamment des préjudices individuels matériels
ou moraux causés aux personnes.
La difficulté de ce régime est que la victime n’est pas
une personne juridique mais l’environnement en tant que telle. Il est donc
nécessaire de déterminer qui peut être à l’origine d’une telle action. En
outre, l’article 1249 du Code civil précise que des dommages et intérêts seront
versés lorsque la réparation en nature ne sera pas possible.
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