Détente

T61 - Comment le diagnostic éclaire-t-il les choix stratégiques de l’entreprise ?


 







Étymologiquement, le mot stratégie est emprunté à l’univers militaire et signifie « l’art de conduire une armée ». Appliquée au monde de la gestion, la stratégie consiste en « la détermination des buts et des objectifs à long terme d’une entreprise, l’adoption des moyens d’action et l’allocation des ressources nécessaires pour atteindre ces objectifs. » Cette définition est celle d’Alfred Chandler, historien et économiste américain du XXe siècle. Elle est tirée de son ouvrage de référence Strategy and Structure (1962).

La stratégie relève de la direction générale d’une entreprise et porte sur la relation entre l’entreprise et son environnement. Elle est issue de la rencontre entre le métier de l’entreprise et la mission que cette dernière s’est assignée. On entend par métier l’ensemble des ressources et compétences dont dispose une entreprise, et qui sont nécessaires à l’exercice compétitif de son activité. La mission est sa raison d’être, sa vocation ou la réponse des dirigeants à la question « Que voulons-nous faire ? » Cette mission résulte à la fois des valeurs des dirigeants, et à la fois des aspirations des parties prenantes de l’entreprise. Il faut alors faire coïncider le métier et la mission afin de réduire l’écart qui existe entre les deux.

Les décisions stratégiques mobilisent généralement des ressources importantes et leurs effets sont attendus sur le long terme.

1. Identifier les étapes de la démarche stratégique menée par l’entreprise

A. La planification stratégique

La démarche stratégique est un processus composé de différentes étapes, et conduisant à la réalisation des objectifs que s’est fixée l’entreprise.

On distingue généralement quatre étapes successives :

-          la définition des objectifs stratégiques, déclinés ensuite en objectifs tactiques et opérationnels. Classiquement, on évoque trois types d’objectifs poursuivis par l’entreprise : la rentabilité, la pérennité et la croissance. Cela étant, ces derniers sont guidés par la satisfaction des actionnaires, voire des parties prenantes dans une conception plus large ;

-          l’analyse et le diagnostic stratégique, qui permettent la mise en lumière des forces et des faiblesses de l’entreprise, ainsi que des opportunités et des menaces de l’environnement dans lequel cette dernière évolue ;

-          la conception et l’action stratégique. Il s’agit d’établir des plans d’action et d’allouer les ressources nécessaires à la mise en œuvre effective de la stratégie. L’élaboration de budgets s’effectue également au cours de cette étape ;

-          la phase de contrôle stratégique, qui permet d’évaluer les décisions prises et de mesurer le degré d’atteinte des objectifs fixés. Si des écarts apparaissent, l’entreprise mettra en œuvre des actions correctrices afin de réorienter la stratégie ou des actions correctives si des erreurs sont soulignées.

On distingue trois niveaux d’intervention de la stratégie :

-          la stratégie globale, également appelée « corporate strategy », qui concerne l’entreprise dans son ensemble ;

-          la stratégie concurrentielle, également appelée « business strategy », qui fait référence aux choix opérés pour chacune des activités d’une entreprise. La stratégie concurrentielle vise à prendre des décisions afin de contrecarrer les concurrents ;

-          la stratégie fonctionnelle ou opérationnelle, qui permet d’adapter les deux précédents niveaux aux différentes fonctions de l’entreprise.


 

B. Les limites de la planification stratégique

Le modèle de la planification stratégique paraît inapproprié au contexte actuel de certaines entreprises. En effet, ces dernières évoluent dans un environnement caractérisé par une intensité concurrentielle forte, une incertitude et une certaine complexité, qui le rendent difficile à appréhender. Ainsi, ce modèle correspond davantage aux entreprises évoluant dans un environnement stable et peu dynamique. Dans son ouvrage Le Management - Voyage au centre des organisations, le spécialiste en stratégie des organisations Henry Mintzberg distingue les stratégies délibérées, émanant d’une réflexion construite et planifiée, des stratégies émergentes. Pour illustrer ces dernières, il utilise la métaphore du potier. Selon lui, l’artisan fabrique sur son tour des vases et autres objets selon un processus bien défini. Toutefois, un incident soudain peut le contraindre à changer de style ou à modifier ses plans. Sa production résulte d’un double processus : l’un voulu, planifié, et l’autre émergent. Pour l’entreprise, la situation est identique. La fixation d’objectifs stratégiques peut ne pas aboutir lorsque des éléments internes à l’organisation ou liés à son environnement l’en empêchent.

2. Réaliser une analyse stratégique externe

A. Les multiples facettes de l’environnement de l’entreprise

L’environnement se définit comme l’ensemble des éléments extérieurs à l’entreprise ayant une influence directe ou indirecte sur son activité. On distingue :

-          le micro-environnement, qui rassemble des acteurs ou parties prenantes ayant des intérêts parfois antagonistes dans la vie de l’entreprise ;

-          le macro-environnement, qui regroupe les éléments extérieurs à l'entreprise, mais qui influencent indirectement son activité. C’est le cas de l’environnement politique, économique, juridique ou démographique.

B. Les outils de l’analyse stratégique externe

L’analyse du macro-environnement peut passer par l’utilisation de l’outil PESTEL. Il s’agit d’un schéma permettant l’identification des éléments ayant une influence indirecte sur l’activité de l’entreprise. On analyse ainsi les éléments politiques, économiques, socioculturels, technologiques, écologiques et législatifs qui peuvent avoir une influence sur la stratégie de l’organisation.

L’analyse du micro-environnement vise à identifier les attentes des différents acteurs qui le caractérisent. L’analyse porte essentiellement sur les concurrents de l’entreprise. On évoque généralement cinq forces concurrentielles :

-          les concurrents directs de l’entreprise, qui évoluent sur le même marché et proposent les mêmes produits ;

-          les concurrents indirects, qui font référence aux entreprises évoluant sur le même marché, mais proposant un produit différent ;

-          les entrants potentiels, qui sont les entreprises qui pourraient facilement bouleverser le jeu concurrentiel si elles pénétraient le marché, dans le sens où elles en maîtrisent la technologie ;

-          le pouvoir de négociation des fournisseurs, qui est lié à l’indépendance de l’entreprise vis-à-vis de ses fournisseurs. Plus ces derniers savent qu’ils sont indispensables, plus leur pouvoir est grand ;

-          le pouvoir de négociation des clients, qui est d’autant plus important lorsque ces derniers parviennent à se mobiliser et à dénoncer les pratiques des entreprises qu’ils jugent abusives.

3. Réaliser une analyse stratégique interne

A. L’importance des ressources et des compétences de l’entreprise

L’entreprise dispose d’un certain nombre de ressources qui lui permettent de s’imposer dans l’environnement concurrentiel dans lequel elle évolue. On distingue :

-          les ressources humaines, composées de l’ensemble des individus de l’organisation ;

-          les ressources matérielles, qui rassemblent les biens d’équipement, machines et outils permettant à l’entreprise de mener à bien son activité ;

-          les ressources financières, qui regroupent les capitaux financiers dont dispose l’entreprise pour fonctionner et se développer ;

-          les ressources informationnelles, qui rassemblent l’ensemble des données du système d’information de l’organisation ;

-          les ressources immatérielles ou intangibles, qui sont liées à son image de marque, le nombre de brevets dont elle dispose…

Les compétences de l’organisation sont issues de la capacité de cette dernière à allouer et mobiliser les ressources dont elle dispose. Les compétences regroupent à la fois les connaissances et l’expérience accumulée au fil des années.

B. Les outils de l’analyse stratégique interne

L’évaluation des ressources et des compétences de l’entreprise fait partie de la phase de diagnostic stratégique interne. Michael Porter propose un outil décomposant les activités de l’entreprise en deux catégories. Il distingue les activités principales des activités de soutien. Selon lui, les activités principales sont celles participant à la création matérielle des produits, en passant par la commercialisation et la proposition de services associés. Les activités de soutien viennent en appui aux activités principales, en leur fournissant un support indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise.

Par ailleurs, ces activités sont généralement transversales au sein de l’entité.

·         Les activités principales

 

La logistique interne

Elle regroupe les activités logistiques en amont ainsi que les opérations de manutention interne à l’entreprise.

La logistique externe

Elle rassemble les activités logistiques permettant la livraison des produits aux clients.

La production

Elle regroupe l’ensemble des opérations visant à transformer les matières en produits finis ou en produits intermédiaires.

La commercialisation

Elle rassemble les techniques commerciales et marketing permettant de mieux appréhender le consommateur, de communiquer sur l’offre proposée par l’entreprise et de déclencher l’achat du produit.

Les services associés

Il s’agit de l’ensemble des services associés à l’offre de base permettant à l’entreprise de se différencier de ses concurrents. On parle également de prestations connexes (livraison, installation, service après-vente…).

 

·         Les activités de soutien

On distingue :

-          l’approvisionnement : il s’agit des opérations d’achat des moyens de production ;

-          la gestion des ressources humaines : il s’agit des opérations de recrutement, d’animation, de valorisation, de rémunération et d’organisation du travail des individus membres de l’organisation ;

-          la recherche et le développement : il s’agit de l’ensemble des activités liées au développement technologique ;

-          l’infrastructure de la firme : elle regroupe les activités administratives nécessaires au bon fonctionnement de l’organisation. Il s’agit de la direction générale, du service juridique, des activités de comptabilité et de finance d’entreprise, de la gestion de la qualité…

L’analyse de la chaîne de valeur permet d’identifier les activités qui sont sources d’avantage concurrentiel pour l’entreprise, car ce sont celles générant le plus de marge ou le plus de valeur. Par exemple, la logistique est l’activité la plus créatrice de valeur pour un groupe comme Amazon, car les délais de livraison et l’acheminement des produits sont autant d’étapes qu’il est indispensable de mener à bien de manière efficiente. De plus, ces étapes permettent au groupe de se différencier de ses concurrents principaux. Cette mise en valeur permet également à l’entreprise d’identifier les activités qui, au contraire, nuisent à la création de valeur. Un dysfonctionnement au niveau de la logistique peut ralentir les cadences de production et dégrader l’image de l’entreprise. Une telle analyse incitera alors l’entreprise à externaliser ces activités.

La chaîne de valeur est donc un outil permettant de déterminer la capacité d’une entreprise à détenir un avantage concurrentiel qui lui conférera une supériorité sur ses concurrents.

4. Mesurer les enjeux du diagnostic stratégique mené par l’entreprise

A. L’identification des forces et des faiblesses de l’entreprise

L’analyse de ces forces et la hiérarchisation de celles-ci favorisent l’identification des facteurs clés de succès (FCS), qui sont les éléments indispensables à avoir pour évoluer dans un environnement concurrentiel. C’est en effet le degré de maîtrise de ces FCS qui permet aux entreprises de disposer d’un avantage concurrentiel sur les forces en présence, car toutes les firmes évoluant au sein d’un même environnement concurrentiel se doivent de maîtriser ces FCS. Par exemple, il est aujourd’hui indispensable à la plupart des acteurs de la grande distribution de proposer un site de vente en ligne ou un système de drive-in. En effet, le consommateur est en attente d’une telle prestation, et tout acteur évoluant sur un tel marché mais ne proposant pas ces services se verrait pénalisé. Il revient ensuite à l’acteur de proposer un service différent afin de disposer d’un avantage sur ses concurrents.

Le diagnostic stratégique interne permet à l’entreprise d’identifier les forces et les faiblesses qui lui permettront ensuite de s’imposer sur le marché. Cela permet également l’identification des compétences distinctives qui favoriseront la mise en œuvre de sa stratégie. C’est donc une étape indispensable en préambule à l’action stratégique.

B. L’identification des opportunités et des menaces de l’environnement

Le diagnostic stratégique externe permet d’identifier les comportements des acteurs du marché et d’identifier ainsi les décisions à prendre pour exister sur ce dernier. De même, le diagnostic vise à prendre en considération l’environnement dans lequel l’entreprise évolue car il peut être source d’opportunités à saisir ou de menaces contre lesquelles il lui est nécessaire de lutter.


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